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Option libre. Du bon usage des licences libres
licences libres, open source, droit, juridique
À l'heure où les manœuvres politiques et lobbyistes cherchent à étendre et renforcer les droits de propriété intellectuelle, un nouveau système construit sur la base des licences libres vient concurrencer et devancer le précédent en termes d'innovation et de création.
Dans leurs fondements juridiques, les licences libres interrogent à plus d'un titre les usages de la propriété intellectuelle en cours depuis des siècles. En moins de trente ans, le mouvement du Libre a réalisé une telle révolution, à la fois technique et culturelle, que le nombre de licences n'a cessé d'augmenter, formalisant de multiples manières les rapports entre les auteurs, les utilisateurs et l'oeuvre.
Quelle stratégie adopter dans le choix d'une licence et comment concilier ce choix avec un modèle économique ? Quelles sont les compatibilités entre les licences et comment envisager l'équilibre entre les droits existants et éprouvés (droit d'auteur, brevets, etc.) et la permissivité propre au Libre ? Dans cet ouvrage documenté, objectif et pédagogique, Benjamin Jean élabore une base saine et pérenne de discussions et d'échanges entre tous les acteurs du Libre. Se livrant à un véritable inventaire des pratiques juridiques dans ce domaine, l'auteur nous permet de les appréhender finement et encourage à les perfectionner et les porter dans d'autres secteurs.
Après une présentation du cadre légal associé aux créations de l'esprit, initialement conçu comme un système en équilibre, l'ouvrage plonge le lecteur dans ce nouveau paradigme des licences libres. Tout en évitant la simple exposition de règles et de normes, c'est de manière méthodique que seront abordées les notions juridiques à la base des nouveaux rapports entre les acteurs. Une sérieuse analyse de la maturation de ce système et un repérage des bons réflexes et des principaux écueils, permettront enfin d'aborder une étude pratique et éclairée des quelques licences libres les plus utilisées.
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Benjamin Jean est un juriste spécialisé en propriété intellectuelle. Il travaille sur les nouveaux usages et collaborations qui se développent autour de la création et de l'innovation. Il a notamment œuvré pour leur prise en compte au sein des gouvernances de multiples acteurs privés et publics, et formé de nombreuses équipes aux aspects juridiques afférents.
Actif depuis près de dix ans dans ce domaine, il enseigne la propriété intellectuelle dans plusieurs Masters, intervient comme consultant au sein du cabinet Gilles Vercken (Paris) et achève une thèse sur les systèmes collaboratifs. Il a codirigé au sein du Syntec Numérique la rédaction du guide Open Source intitulé Réflexions sur la construction et le pilotage d'un projet Open Source, et créé et dirigé le premier Centre Juridique Open Source. À l'échelle européenne, il organise les conférences annuelles EOLE (European Open Source & Free Software Law Event) et il est membre de l'European Legal Network (FSF Europe).
Très présent dans les communautés du logiciel libre, il est cofondateur de Veni Vidi Libri et de la SARD (Société d'Acceptation et de Répartition des Dons). En 2011, il a créé sa propre société, Inno3, qui accompagne les entreprises et acteurs publics dans l'ouverture de leur politique d'innovation en faveur de processus partagés et collaboratifs.
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LAL 1.3, GNU FDL 1.3 et CC By-SA 3.0
Décembre 2011
Benjamin Jean
http://forge.framabook.org/optionlibre/
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Option libre. Du bon usage des licences libres
Benjamin Jean
Couverture
Titre
Remerciements
Préface
Quelques acronymes et abréviations utilisés
Introduction générale
I Le cadre légal associé aux créations de l’espritIntroduction
1 Le bénéfice d’une propriété littéraire et artistique
2 L’acquisition de titres de propriété industrielle
II Le système construit par les licences libres, les bases d’un nouvel équilibreIntroduction
1 La maturation d’un nouvel équilibre grâce aux licences libres
2 Les bons repères pour s’orienter parmi les licences libres
3 Les bons réflexes
III Quelques études de licences libresQuelques études de licences libres
AnnexesA Tableaux de compatibilité
B Glossaire
Bibliographie
Index
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Aujourd’hui, la véritable richesse n’est pas concrète, elle est abstraite. Elle n’est pas matérielle, elle est
immatérielle
M. Levy & J.-P. Jouyet, « L’économie de l’immatériel, la croissance de demain »
(Rapport de la commission sur l’économie de l’immatériel, 2006)
Incontestablement, nous sommes aujourd’hui dans une nouvelle ère, celle de l’immatériel. Principale production (et donc principale richesse) des pays industrialisés,
ceux-ci n’ont de cesse d’assurer et d’étendre l’appréhension sur ce bien abstrait par la reconnaissance d’exclusivités qui interdisent à tous d’exploiter ces créations sans autorisation expresse des
titulaires de ces droits. De tels outils leur confèrent alors un avantage concurrentiel sur des pays qui n’ont pas la culture, les moyens ou l’envie d’une telle production.
Ainsi, des objets les plus basiques (logos, vêtements, paniers à salade, fruits et légumes, etc.) aux plus complexes (téléphones, puces RFID, etc.), la recherche d’une
protection répond au dogme selon lequel « tout investissement mérite protection juridique »… Une réalité
bien éloignée de la vision romantique de l’auteur isolé et solitaire pour qui avait été créée une « propriété intellectuelle » qui devait lui permettre de défendre sa création et d’en
vivre !
Nécessairement opposable à tous, la construction de ce système repose sur la loi
qui en fixe les limites et conditions. La complexité de l’édiction de tels monopoles est néanmoins accentuée par le fait qu’elle contrevient directement au principe selon lequel les idées,
inappropriables, sont dites « de libre parcours ». L’intérêt général est donc directement concerné, de sorte que ces nouveaux privilèges doivent être clairement délimités (en terme de
prérogatives, durée, territoire, etc.) et en nombre limité (c’est-à-dire restreint aux situations où ils apportent plus à la société qu’ils ne lui portent préjudice). Ainsi, la collectivité bénéficie
d’une diffusion universelle des connaissances et des inventions, tandis que les créateurs gagnent des droits exclusifs (la réservation de certaines prérogatives au bénéfice d’un seul) dont ils
peuvent jouir à leur guise (sauf certaines obligations d’exploitation à la charge de celui qui détient ce droit). On classe ces différents droits au sein de deux types de propriété : la
Propriété littéraire et artistique (PLA) qui concerne les auteurs face à leur public et la Propriété industrielle qui s’adresse, comme son nom l’indique, aux industriels. Ils sont réunis au sein du
Code de la propriété intellectuelle et s’ajoutent aux droits de propriété classique, ce qui nécessite de distinguer l’objet de droit - immatériel - et son support - physique.
Néanmoins des distinctions fondamentales existent entre bien matériel et bien immatériel : par nature non rival et non exclusif, un bien immatériel échappe à « la tragédie des biens
communs » du sociologue Garret Hardin, posent une nouvelle fois la question de l’appropriation des biens
communs. En effet, plusieurs personnes peuvent similairement bénéficier d’un même bien immatériel sans que la
jouissance par l’un ne préjudicie à la jouissance par d’autres (à l’inverse, la jouissance du plus grand nombre est susceptible de bénéficier à tous en raison de ce qu’on appelle l’ « effet
réseau »). Jefferson disait à ce sujet :
Qui reçoit une idée de moi reçoit du savoir sans que mon savoir en soit diminué ; de même, qui allume sa bougie à la mienne reçoit de la lumière sans me plonger
dans l’obscurité.
Ce sont ces différences de nature qui justifient la différence de traitement juridique : la propriété que l’on détient
sur une idée n’est pas assimilable à celle qu’on aurait sur sa maison.
Les diverses protections étant territoriales, les développements qui suivent se concentreront sur notre seul droit positif (regroupant l’ensemble des règles juridiques,
française ou européenne, actuellement en vigueur en France). Cela étant posé, il est nécessaire d’observer que la mondialisation induit une harmonisation « par le haut », notamment sous la
pression des mécanismes de réciprocité souvent attachés aux différents droits (un droit n’est pleinement reconnu à un étranger que si le pays de ce dernier reconnaît autant de droits au bénéfice d’un
ressortissant français). Par ailleurs, une multitude de traités internationaux ont accompagné la naissance de
chaque droit afin d’harmoniser partiellement ces derniers et assurer une efficience réciproque. La propriété
intellectuelle devenant un enjeu majeur pour le libre échange et le commerce international, on vit ensuite se succéder de nombreux textes : directives et règlements d’une part et accords
commerciaux (tels les accords ADPIC conçus au sein de l’OMC, ou plus récemment, le nouvel accord ACTA) d’autre part .
Malgré la confusion - parfois entretenue - qui existe entre les différents droits, chacun d’eux dépend d’une qualification basée sur un équilibre bien précis.
Ainsi, pour chacun d’eux, seront analysés leur objet, leur titulaire et les prérogatives attachées, mais aussi les mécanismes bénéficiant à la société ou au public. On se rendra compte qu’ils sont
tous par nature territoriaux, discriminants (leur accès est conditionné à un certain nombre de critères), complémentaires (ils portent sur des objets précis) et finalisés (une raison précise justifie
leurs atteintes aux autres libertés - avec comme corollaire leur épuisement une fois leur finalité atteinte).
C’est avec cet esprit que nous présenterons l’équilibre inhérent aux deux branches de la propriété intellectuelle : la propriété littéraire et artistique (chapitre
1) et la propriété industrielle (chapitre 3).
La contestation de l’appellation Propriété intellectuelle
Il est intéressant de noter qu’en Europe, et plus particulièrement en France, l’expression générique propriété intellectuelle
fut très tôt utilisé pour regrouper un ensemble hétérogène de droits (voir par exemple les Conventions de Paris et de Berne) alors que les Américains n’ont adopté cette conception globalisante que
plus tard.
Néanmoins, ce regroupement, artificiel, de plusieurs droits aux équilibres néanmoins bien distincts, est violemment contesté, au moins pour deux raisons : le
terme « propriété » générerait un alignement de la législation de la propriété intellectuelle sur le modèle de la législation sur la propriété ordinaire, malgré la différence de nature
entre ces deux institutions d’un point de vue économique, technique et juridique ; ce terme globalisant entraînerait des confusions susceptibles de justifier une « harmonisation par le
haut » des différents droits.
Il est incontestable qu’une telle confusion préjudicie au système global de la Propriété intellectuelle (et, ainsi, à sa légitimité), mais il faut néanmoins apporter
deux précisions : il existe dans notre pays un corpus de lois qui a pour nom « Code de la Propriété Intellectuelle » (ce qui n’est pas le cas dans beaucoup d’autres législations) et il
semble nécessaire d’instruire sur la différence qui caractérise chaque droit plutôt que d’interdire l’usage de l’expression qui les regroupe ; par ailleurs, la propriété intellectuelle a bien, au moins dans notre pays, été conçue comme une propriété particulière (intellectuelle en ce qu’elle
est une production de l’esprit), c’est-à-dire une forme de propriété nécessairement différente de la propriété classique.
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C’est à bien des titres que je connais M. Jean. Tout d’abord, il y a quelques années comme étudiant du master de « droit des créations immatérielles » que
j’avais fondé puis ensuite pour l’avoir recruté comme chargé de mission à Sciences Po ; pour l’avoir eu encore à mes côtés pour organiser diverses manifestations dont un prestigieux cycle de
conférences sur la propriété intellectuelle à la Cour de cassation ou comme membre d’un think tank sur le cloud
computing… À chaque fois, j’ai pu apprécier ses qualités humaines comme ses qualités intellectuelles. Benjamin Jean sait mêler la rigueur, la finesse d’analyse, le sens des nuances et de
l’à-propos à une réelle modestie et une constante gentillesse, ce qui est rare, sans oublier, sur un autre registre, une grande passion pour les sujets qu’il aborde.
C’est tout cela qu’on retrouve dans les pages qu’il nous livre ici, et que j’ai pu, pour beaucoup d’entre elles, déjà découvrir en « bonnes feuilles ».
Passion bien sûr car, très tôt passionné d’informatique, Benjamin Jean s’est aussi vite découvert une passion pour cet « autre modèle » qu’est le « libre » qu’il nous décrit dans
sa véracité et sa complexité. Car le libre n’est pas sous sa plume cet objet d’effarouchement qu’il est pour bien des juristes traditionalistes qui n’aiment pas sortir du cadre qu’ils connaissent. Il
n’est pas non plus cet objet de militantisme (et pourtant Benjamin Jean est un militant) qu’il est pour bien des défenseurs du libre. Le libre est tout
simplement. Il est, il existe comme un phénomène installé dans le paysage des pratiques, né de la pratique et en réaction contre les pratiques établies, répondant à diverses aspirations dont la
volonté de partager la création faite (et le bénéfice qui en découle, point nécessairement le bénéfice économique) n’est pas la moindre. C’est le mérite de Benjamin Jean de présenter ainsi cette
« Option libre » comme un phénomène qui mérite considération, appelle compréhension et décryptage, et ne se réduit pas à quelques modèles (quelques caricatures chez ses adversaires)
simples.
La présentation des diverses écoles de pensée qui font qu’en réalité il n’y a pas un libre mais des libres ou, si l’on préfère, de multiples voies pour organiser cette liberté (car c’est bien d’une liberté organisée qu’il s’agit), est sans doute, sur le terrain
spéculatif, une des parties les plus intéressantes de l’ouvrage. D’autant que - notre auteur le montre bien - aujourd’hui, au-delà des mouvements qui ont initialement fait naître le Libre, chacun a
sa raison qui le pousse à opter pour celui-ci, jusqu’aux grands acteurs du privé qui jouent ou jouaient traditionnellement la carte propriétaire : « Les individus, les associations et
autres organismes à but non lucratif peuvent avoir un rapport au Libre complexe qui mêle philosophie, idéologie, et des arguments plus raisonnés comme le coût ou l’indépendance qu’offrent les
solutions logicielles libres » écrit ainsi Benjamin Jean, avant de souligner comment entreprises et administrations ont elles aussi adopté le Libre comme élément de leur stratégie.
Voilà peut-être qui pourra sembler bien spéculatif. C’est pourtant certainement la condition préalable sans laquelle il n’est guère possible de se retrouver
véritablement au sein du monde du Libre. Mais, pour qui veut des choses plus concrètes, on ne peut ignorer cet autre moment fort de l’ouvrage, qui prolonge les réflexions, quand Benjamin Jean nous
propose « repères » et « réflexes » à avoir. La « proposition d’une grille de lecture » des licences, avec la question délicate de leur compatibilité, les pages sur le
choix des licences ou sur la manière de concevoir un projet pensé sous le signe du Libre sont des pages précieuses, certainement à lire et à relire.
Ainsi, celui qui cherche des « recettes » comme celui qui veut prendre du recul trouvera son bonheur dans cet ouvrage.
Libre à chacun de s’y plonger ou non. Option libre évidemment… Mais ce serait un bien mauvais usage de la liberté que de ne pas profiter de cette heureuse Option Libre.
Michel Vivant
Professeur à l’École de Droit de Sciences Po., Paris.
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